La surconsommation et la réutilisation

Sensibilisez les élèves aux enjeux liés à la surconsommation et au manque de réutilisation dans une perspective solidaire entre le Nord et le Sud(1).

  • Fiche 1 : La surconsommation et la réutilisation

  • Fiche 2 : Pourquoi la surconsommation et le manque de réutilisation?

  • Fiche 3 : Les conséquences de la réutilisation ou l’absence de celle-ci

 

Du contenu téléchargeable se trouve en bas de page

Fiche 1 : La surconsommation et la réutilisation

La collecte de vélos : un exemple de réutilisation

Revenant d’un séjour à Cuba, Claire Morissette, fondatrice de Cyclo Nord-Sud, fut frappée par le grand nombre de vélos abandonnés dans les rues de Montréal. Elle fut d’autant plus choquée par ce constat qu’elle avait pu observer quelques jours auparavant dans les rues de La Havane à Cuba : un vélo – pas toujours du dernier modèle à la mode – pouvait être utilisé pour plusieurs raisons : se déplacer pour le travail, transporter les récoltes au marché, se rendre à l’école ou visiter parents et ami(e)s, etc.

L’exemple de vélos périssant sous la neige de Montréal alors qu’ils ont le potentiel d’être utilisés jusqu’à leur dernier souffle à La Havane ou dans les rues de Bamako en Afrique, n’est qu’un exemple parmi tant d’autres, du phénomène de la surconsommation et du manque de réutilisation.

Une piste d’action offerte par Cyclo Nord-Sud est de promouvoir la réutilisation des vélos en leur donnant une deuxième vie auprès de gens qui n’auraient pu se procurer leur propre vélo autrement. Cyclo Nord-Sud travaille de concert avec des bénévoles pour organiser des collectes de vélos partout au Québec. Les vélos recueillis sont envoyés dans divers pays à l’international où, par l’entremise de groupes communautaires, ils sont redistribués à des gens qui pourront les utiliser pour subvenir à leurs besoins(2).

Consommation boulimique au Nord, assiette à moitié vide au Sud(3)

N’est-il pas étrange de constater que la durée de vie moyenne d’un vélo en Amérique du Nord varie de cinq à sept ans, alors qu’il sera utilisé en moyenne pendant plus de 20 ans dans un pays du Sud? Pourquoi une disparité aussi frappante?

Vous vous êtes peut-être familiarisés avec la statistique selon laquelle il faudrait cinq planètes Terre pour supporter le rythme de consommation des Nord-Américains si la population mondiale consommait au même rythme et que la cinquième planète servirait de dépotoir…(4)

Fiche 2 : Pourquoi la surconsommation et le manque de réutilisation?

Pourquoi la surconsommation et le manque de réutilisation?

Surproduction, surconsommation, société de consommation, capitalisme. La publicité et l’obsolescence programmée des objets et des biens que nous possédons semblent nous entrainer dans un rythme effréné où on doit constamment avoir la nouvelle version de tel ou tel produit. Quand ce n’est pas le gadget dernier cri, c’est parfois l’envie d’en vouloir toujours plus qui semble animer des élans de forte consommation(5).

Mais qu’est-ce qui nous motive tant à vouloir consommer toutes ces choses? Selon les dires de David Orr,
professeur et environnementaliste étasunien :

“L’émergence de la société de consommation n’était ni inévitable ni accidentelle. Elle a résulté de la convergence de quatre forces : un mode de pensée selon lequel la Terre est à notre disposition; l’essor du capitalisme moderne; l’intelligence technologique; et, enfin, l’extraordinaire abondance de l’Amérique du Nord, où le modèle de consommation de masse a pris racine. Plus directement, notre comportement est le résultat d’une publicité intensive, du piège des crédits à la consommation, de l’ignorance des dangers que représentent la plupart des produits que nous achetons, du déclin des communautés, du mépris de l’avenir, de la corruption des politiques et du manque d’alternatives nous permettant de subvenir seul à nos moyens.”(6)

Dans la vidéo L’histoire des choses(7) et dans son livre La planète jetable, Annie Leonard, chercheuse sur les enjeux environnementaux, met de l’avant le fonctionnement de l’économie globale matérialiste et de ses conséquences sur l’économie, l’environnement et la santé. Pendant plus de 20 ans, Annie Leonard a suivi les traces du trafic international des déchets. Dans sa vidéo, Annie dresse le constat que, de la quantité de « choses » que nous achetons, moins de 1 % seront encore en usage six mois après leur achat.

La voiture : archétype de la (sur)consommation

En achetant une voiture, «on n’acquiert pas seulement une voiture, on acquiert aussi toute une nouvelle relation à l’espace et au temps, de la pollution, du bruit, des amis différents, des relations différentes, un statut différent, un travail pour la payer et des infrastructures énormes qui incluent entre autres des routes, des voies rapides, des stations d’essence, un habitat disséminé, des hôpitaux pour les blessés, des garages, des parkings, c’est ce qu’on peut appeler le système techno social lié à la voiture.»(8)

Le concept d’obsolescence peut très bien illustrer l’usage fait de l’automobile dans nos sociétés actuelles. La mise en place de nouveaux styles de voiture chaque année est un exemple d’obsolescence programmée. Ce stratagème des fabricants oblige ou incite les consommateur(rice)s à remplacer rapidement leurs produits et donc à acheter de nouvelles marchandises. C’est le cas des cellulaires intelligents, dont les pièces sont difficilement remplaçables en cas de bris, dont les mises à jour deviennent impossibles au bout de quelques années, et dont on nous bombarde de publicité liée à un nouveau modèle chaque année.

L’Étatsunien, Alfred P. Sloan, dirigeant de General Motors pendant près de 30 ans, fut un des premiers entrepreneurs à mettre de l’avant une telle façon de faire. Il a aussi mis en place une échelle de prix pour différentes marques de voitures, toutes produites par GM (Chevrolet, Pontiac, Oldsmobile, Buick et Cadillac) et qui donc n’entraient pas en concurrence entre elles, tout en rendant « captif » un(e) acheteur(euse) au sein de la famille des marques GM au fur et à mesure que son pouvoir d’achat augmentait ou que ses préférences changeaient avec l’âge(9).

Dans son livre Énergie et équité, Ivan Illich démontre avec éloquence à quel point un véhicule comme l’automobile peut rapidement nous prendre au piège. Pourtant, les publicitaires tentent de nous faire croire le contraire en associant la voiture à la liberté et à la nature en montrant des images d’autos parcourant des paysages à couper le souffle. Pourtant, une voiture, aussi « verte » qu’elle peut prétendre l’être, demeure pour le moment un moyen de transport polluant.

Voici quelques réflexions suggérées par Ivan Illich :

 

  • Une bicyclette ne coute pas cher. Malgré son très bas salaire, un Chinois consacre moins d’heures de travail à l’achat d’une bicyclette qu’il conservera longtemps qu’un Américain à l’achat d’une voiture qui finira vite à la

  • Les aménagements publics nécessaires pour les bicyclettes sont comparativement moins chers que la réalisation d’une infrastructure adaptée à des véhicules rapides. Pour les vélos, il ne faut de routes goudronnées que dans les zones de circulation dense, et les gens qui vivent loin d’une telle route ne sont pas isolés, comme ils le seraient s’ils dépendaient de trains ou de voitures.

  • Là où se gare une seule voiture, on peut ranger dix-huit vélos, et l’espace qu’il faut pour faire passer une voiture permettrait à trente vélos de passer. Pour faire franchir un pont à 40 000 personnes en une heure, il faut deux voies d’une certaine largeur si l’on utilise des trains, quatre si l’on utilise des autobus, douze pour des voitures, et une seule si tous traversent à bicyclette. Voici d’ailleurs une vidéo qui illustre le phénomène :

 

Mais une question demeure… La société de consommation et la surproduction nous mènent au bord d’un précipice économique, environnemental et social. Alors pourquoi semblons-nous confrontés à un aussi important manque de réutilisation, surtout au sein des populations où la surconsommation fait des ravages?

Fiche 3 : Les conséquences de la réutilisation ou l’absence de celle-ci

Les conséquences de la réutilisation ou l’absence de celle-ci

Ce qui a changé depuis l’avènement de la société de consommation à la suite de la Deuxième Guerre mondiale est non seulement le rythme effréné auquel les populations des pays du Nord consomment, mais également le volume de déchets produits par cette surconsommation.

Loin des yeux, loin du cœur?

Une fois mis à la rue, les sacs de déchets de millions de foyers québécois sont par la suite transportés vers des sites d’enfouissement ou d’incinération à l’abri de nos regards et de nos narines. Là s’accumulent des emballages et des restes de table, mais également des déchets toxiques comme la peinture et les aérosols ou qui se décomposeront mal comme des objets en plastique, ou encore des vêtements ou des vélos qui auraient pu être réutilisés.

Une fois mises à la poubelle, ces objets ou ces matières ne vont pas tout simplement s’autodétruire. Les iPods, les ordinateurs et autres matériels électroniques pollueront les nappes phréatiques et détruiront les écosystèmes, ou bien ils dégageront de fortes vapeurs toxiques en étant incinérés. Nous sommes même rendus à parler de « nouveaux continents » qui apparaissent tellement la quantité de déchets flottants sur les océans ne cesse d’augmenter(10).

De « nouveaux continents » de déchets

En 2010, les océanographes de la Sea Education Association annonçaient l’existence d’amas de déchets (bouteilles, fragments de plastique, etc.) sur l’océan Atlantique équivalant à un nouveau continent. Une telle accumulation avait aussi été découverte sur l’océan Pacifique en 1997. L’accumulation de déchets sur l’océan Atlantique occuperait une surface équivalant à six fois la taille de la France, soit 4 millions km2.

Pire encore, les conséquences les plus néfastes de notre surconsommation produisant des déchets à n’en plus finir sont souvent absorbées par les pays du Sud ou par des populations vulnérables et défavorisées. Les mêmes personnes qui, pour la plupart ne peuvent même pas se payer le luxe d’une telle surconsommation sont aux prises avec ses pires conséquences. De la production de ces objets jusqu’à leur élimination, ce sont la plupart du temps, les environnements et les populations marginalisées des pays du Sud qui ont à vivre avec les conséquences négatives au quotidien, qu’on pense… :

  • Aux populations habitant les régions autour des mines d’où sont extraits les minéraux entrant dans la fabrication d’objets électroniques et où les compagnies font fi des protections environnementales et des citoyen(ne)s;

  • À tous les employé(e)s payés avec des salaires de misère et œuvrant dans des conditions de travail déplorables afin de vendre leurs produits à prix concurrentiel : par exemple, un petit producteur de café qui obtient habituellement entre 0,33 $ et 1,50 $ pour un kilogramme de café, alors que le café qui se retrouve dans les tasses des consommateur(rice)s vaut de 8 $ à 30 $ le kilogramme.14

  • À l’exportation de déchets vers des zones éloignées où on ne peut faire respecter des règles pour protéger l’environnement.

Valoriser la réutilisation

En Amérique du Nord, des voix remettant en question nos habitudes de consommation et leurs conséquences commencent à se faire entendre. Qu’on pense à la vidéo L’histoire des choses, au mouvement pour la Journée sans achat, à l’évènement En ville sans ma voiture, à la Semaine québécoise de réduction des déchets ou à l’engouement pour l’économie du partage, le zéro déchet, la simplicité volontaire et la décroissance.

Simplicité volontaire

L’Office de la langue française du Québec définit la simplicité volontaire comme un « mode de vie consistant à réduire sa consommation de biens en vue de mener une vie davantage centrée sur des valeurs essentielles »

Pourtant, la réutilisation est un principe qui ne date pas d’hier… Que ce soit par choix, par obligation ou pour le simple plaisir de partager et de faire durer, la réutilisation a pris de multiples formes au fil du temps:

  • Les couvertures de courtepointes qui permettent de réutiliser divers morceaux de tissus provenant de vêtements usés.

  • Des blocs-notes faits à partir de papier imprimé d’un seul côté.

  • Louer ou emprunter plutôt que tout acheter. Par exemple, Communauto permet d’avoir accès à une voiture lorsque nécessaire en facilitant l’autopartage. La bibliothèque est un autre bon exemple.

  • Les bazars, les marchés aux puces et les friperies où on peut se rendre pour trouver des objets d’occasion.

  • L’éco design et l’art de la récupération, utilisé en mode ou en décoration, par exemple.

  • La compagnie Ressac utilise des chambres à air de vélos recyclées pour confectionner des sacs à main et des accessoires durables.

  • Le groupe ENvironnement JEUnesse organise depuis quelques années le concours Je m’emBALle autrement qui invite les étudiant(e)s à concevoir eux-mêmes leur tenue de bal de fin d’études.

  • Les repair-café où on apporte nos objets brisés pour apprendre à les réparer.

  • Les bibliothèques d’outils comme La Remise.

  • Les frigos publics qui évitent le gaspillage alimentaire et permettent de partager la nourriture.

  • Les épiceries d’aliments en vrac, qui permettent d’apporter des contenants réutilisables et de les remplir.

  • Les échanges de vêtement qui permettent de renouveler sa garde-robe entre amis.

  • Les collectes de vélos usagés de Cyclo Nord-Sud et son Programme de don d’organes de vélo en collaboration avec des magasins de vélo qui fournissent des pièces, des accessoires et des outils permettant de prolonger la vie des vélos au Sud.

La réutilisation en action

D’une simplicité désarmante, la réutilisation valorise l’idée de donner une seconde vie, d’échanger, de partage, de prêter, de réparer, de faire durer… Bref, des gestes qui coûtent très peu et qui font appel à notre imagination. Même si la réutilisation a déjà une longue histoire, on peut aussi vouloir la mettre au goût du jour comme le font ces quelques maîtres réutilisateurs avec qui nous avons pu nous entretenir :

  • Jaime Rosenblüth de Bicycletterie J.R.

  • Jean-David Lacasse et Éric Bélanger, deux bénévoles chez Cyclo Nord-Sud Pour les entendre, visionner Des vélos à réutiliser.

Sources

1. Benoît Lambert, Cyclopolis, ville nouvelle : contribution à l’histoire de l’écologie politique, Georg éditeur, 2004, p. 84. Une discussion plus détaillée sur l’emploi des termes « Nord » et « Sud » se retrouve au module 3 de cette trousse.

2. Voir vidéo « Cyclo Nord-Sud », GoodnessTv, la minute positive.

3.Source image : Concept pour tous, Uqam, Elise Morbidelli

4.WWF, Les ressources de la Terre déjà épuisées pour 2016 : https://wwf.ca/fr/nouvelles/?21961/Les-ressources-de-la-Terre-deja-puisees-pour-2016

5.Elizabeth Grossman, Made to Break reveals the roots of our throwaway culture. En anglais seulement : https://grist.org/article/grossman1/

6.Annie Leonard, Planète jetable, Écosociété, 2010, pp.224-225, citant David Orr.

7.L’histoire des choses : https://www.storyofstuff.org/

8.François Schneider, Revue Silence, décembre 2004 : https://www.revuesilence.net/

9.Alfred P. Solan : https://fr.wikipedia.org/wiki/Alfred_P._Sloan

10. Revue en ligne Le Monde, Un “continent” de déchets plastiques a été découvert dans l’Atlantique nord, 2010 : https://www.lemonde.fr/planete/article/2010/03/05/un-continent-de-dechets-plastiques-a-ete-decouvert-dans-l-atlantique-nord_1314831_3244.html