Fiche 2

Module 5

Les femmes et le vélo à travers le monde

Découvrez pourquoi l’utilisation de la bicyclette est un facteur d’émancipation pour les femmes partout sur la planète.

Dans ce module

Fiche2/3 » D'autres avantages au fil du temps

D’autres avantages au fil du temps

1) Une mobilité inespérée

Rouler à bicyclette permet de couvrir des distances plus importantes en beaucoup moins de temps et donc, de se rendre dans des villes ou des villages encore inexplorés. Qui dit nouveaux endroits, dit aussi nouvelles rencontres avec d’autres femmes ou d’autres hommes, loin des regards traditionnels du chaperon ou d’un parent masculin. Pour bien des maris, des pères ou des frères, cela voulait dire qu’ils perdaient ainsi un certain contrôle sur les femmes de leur famille.

 

2) Un code vestimentaire contraignant

Vers le milieu du XIXe siècle, au moment où le vélo fait son apparition parmi la bourgeoisie européenne et nord-américaine, la mode vestimentaire châtie le corps de la femme occidentale. L’élégance exige une taille de guêpe, de longs corsets étouffant la respiration et la circulation, des jupes et des jupons longs empêtrant les jambes et de lourds chapeaux exigeant des prouesses d’équilibre.

Les jupes raccourcissent progressivement, « rapportant dans leurs plis moins de crottin et de crachats à la maison », plaident les progressistes. Et si on regarde dessous, on s’aperçoit que les innombrables jupons sont restés dans la penderie, pour être remplacés par des knickers (une culotte) ou bien par le bloomer (un pantalon bouffant).

 

3) Pédaler… malgré l’opinion publique

En Angleterre victorienne, les femmes rongent leur frein. Avec la popularité des excursions en grand-bi (ancêtre de la bicyclette), les épouses ou les sœurs des « bicyclistes » sentent bien qu’elles manquent quelque chose lorsque les hommes reviennent à la maison le dimanche soir, racontant une fin de semaine palpitante, remplie d’aventures et de découvertes. L’opinion publique maintient que « pédaler n’est pas féminin ». On craint que ce soit dommageable pour les femmes, tant pour leur santé que leur moral et leur réputation. Prêtres et médecins y vont aussi de leur avis d’expert en soutenant que la bicyclette n’est pas appropriée pour la gent féminine.

Encore aujourd’hui, certains groupes conservateurs politiques ou religieux en Inde, en Corée du Nord, en Iran, en Arabie saoudite ou en Afghanistan ont tenté d’interdire à des femmes de rouler à vélo sous prétexte que des vêtements permettant de faire cet exercice pouvaient être indécents ou parce que la pratique du vélo donnerait aux femmes trop de liberté physique.1 Tout comme en Occident au début du XXe siècle, des barrières sociologiques doivent encore être surmontées : certaines cultures considèrent même qu’« une femme à vélo est trop libérée pour être une bonne épouse ».

 

4) Rôle des femmes2

Dans les pays en voie de développement, une division traditionnelle du travail assigne habituellement aux femmes le transport quotidien de l’eau, du bois de cuisson et des denrées agricoles pour les besoins de la famille. En Afrique, la majorité des tâches de transport incombent aux femmes, mais ce sont les hommes qui sont propriétaires de la plupart des moyens de transport et qui les utilisent.3 En Tanzanie, par exemple, les femmes assument quelque 79 % du temps consacré au transport et 90 % du volume transporté pour chaque famille. Elles y consacrent presque cinq heures par jour, en trois ou quatre déplacements. Les filles y passent trois fois plus de temps que les garçons et abandonnent très tôt l’école pour s’acquitter de ces corvées. Ces trajets se font à pied, avec la charge sur la tête, le dos ou les épaules, et il n’est pas rare qu’elles portent en plus un enfant en bas âge.

Le vélo est le véhicule idéal pour des trajets fréquents, sur de courtes distances, avec des charges petites ou moyennes, hors des routes carrossables. Il permet de se déplacer environ trois fois plus vite qu’à pied et de transporter des charges beaucoup plus lourdes, réduisant le nombre d’aller-retour.

Yawa Koudadje, bénéficiaire d’un vélo envoyé par Cyclo Nord-Sud, Nyitakpo, Togo.

 

5) Quand le vélo devient synonyme d’autonomie

Autonomie financière
Il y a une forte corrélation entre la pauvreté et la mobilité urbaine. La pauvreté complique la mobilité et le manque de transport aggrave la pauvreté. En outre, le cout des transports pèse sur les ménages qui ont déjà des difficultés financières.4 Une émancipation financière est aussi nécessaire pour que les femmes puissent procéder à l’achat d’un vélo. Néanmoins, les revenus découlant de l’acquisition d’une bicyclette sont bien tangibles : à Beira au Mozambique, un projet de la Banque mondiale a observé une augmentation du revenu des femmes de 4 %, mois après mois, grâce à la possession d’un vélo.

Quant aux femmes des pays développés, étant moins rémunérées que les hommes, elles sont moins « automobilisées » qu’eux et moins favorisées dans les transports, quoique cet écart ait tendance à diminuer. D’emblée, la bicyclette est l’amie de la femme, lui offrant une mobilité économiquement accessible. Très souvent, c’est sa capacité de mobilité qui déterminera si une femme peut travailler ou non, et, par conséquent, modifiera son revenu. Le vélo procure une grande liberté d’action sur les trajets complexes créés par les distances que l’aménagement pro-automobile introduit entre la maison, le travail, la garderie, les magasins et services, et les lieux de loisirs familiaux.

Gagner du temps
Le vélo est particulièrement adapté pour les femmes, car elles effectuent généralement des trajets courts et en dehors des heures de pointe, jonglant entre leur travail, les enfants et leurs autres responsabilités. De plus, la bicyclette les rend indépendantes des horaires des transports publics et offre davantage de flexibilité dans la gestion de leur temps. Sur des distances de 5 à 20 kilomètres, la bicyclette est beaucoup plus rapide et plus économique que la voiture5.

Éducation
En Europe, à la fin du XIXe siècle, la femme à vélo était devenue un symbole de liberté. À un point tel qu’en 1897, les étudiants de l’université Cambridge en Angleterre qui protestaient contre l’admission des femmes au baccalauréat ont pendu devant la Maison du Sénat une effigie de femme en rational dress et à bicyclette!6

Dans les pays en voie de développement, l’accès à un vélo pour les filles et les femmes leur fait gagner du temps parce qu’elles pourront effectuer leurs tâches plus rapidement. Quelques heures par jour qui leur permettront de se rendre à l’école, encore une fois plus rapidement si elles peuvent faire le trajet à bicyclette. À l’inverse, le vélo permet aussi à des enseignant(e)s de se rendre dans des endroits difficiles d’accès. Et voilà un autre engrenage de changement… Les femmes éduquées jouissent souvent d’un grand respect auprès de leurs consœurs, elles peuvent contribuer à briser les tabous et à faire accepter l’usage de la bicyclette par les femmes, en devenant elles-mêmes des modèles.

Élèves bénéficiaires de vélos envoyés par Cyclo Nord-Sud, Ouanaminthne, Haïti.

 

6) La santé et la sécurité

En permettant de se déplacer environ trois fois plus vite qu’à pied et de transporter des charges beaucoup plus lourdes, le vélo permet aux femmes qui doivent transporter des charges de réduire le nombre d’aller-retour à effectuer. Lorsque transformé en triporteur, le vélo peut aussi transporter une charge encore plus importante. C’est d’autant plus pratique pour les femmes et les filles qui ont l’habitude de transporter aliments, lavage ou autres charges sur leur tête. Elles évitent ainsi de développer des problèmes de dos et de cou.

Le vélo est aussi un véhicule utile pour faire ses courses, et il permet d’intégrer l’exercice physique aux déplacements, une bonne nouvelle quand on a un horaire serré. Le vélo aide aussi les femmes à s’approprier la nuit, leur permettant de se déplacer rapidement et de façon plus sécuritaire.

 

7) Mécanique 101

Une fois que le vélo est acheté, il ne reste qu’à l’entretenir et en prendre soin. Il ne nécessitera pas de frais considérables comme c’est le cas pour la voiture. Le vélo est un véhicule bien adapté à l’économie des pays en voie de développement puisqu’il fonctionne sans pétrole, lequel est très dispendieux s’il doit être payé en devises étrangères. Cela fait donc du vélo un moyen de transport plus accessible aux femmes à faible revenu. Un des derniers tabous qu’il restera à défaire est la capacité des femmes à se familiariser avec la mécanique vélo.

La Québécoise Denise Belzil est une pionnière dans le domaine, ayant elle-même ouvert son école de mécanique Techno Cycle.

L’atelier de réparation de vélo communautaire SantroVélo, à Montréal, organise quant à lui des journées de mécanique réservées aux femmes et aux transgenres, afin que ces personnes sentent à l’aise dans un espace traditionnellement masculin.7

 

8) Quand les femmes se regroupent autour du vélo

Le vélo ne sert pas aux femmes qu’à travailler et augmenter leur liberté quotidienne. Le cyclisme au féminin se conjugue aussi avec discipline sportive! De plus en plus de femmes dépassent leurs limites sur deux roues lors de compétitions internationales. Au Québec, le réseau des Cyclopétards est né en 2007 d’une volonté de femmes cyclistes de se regrouper pour apprendre à rouler en peloton et organiser des sorites entre elles.8

Toujours au Québec, les Dérailleuses, collectif cyclo-féministe, s’est donné comme mission de contrer le sexisme dans le monde du vélo par le moyen de conférences, publications, ateliers et balades à vélo.9

En Afghanistan, les Petites reines de Kaboul sont des militantes qui roulent pour la libération de la femme depuis 2003, dans ce pays où le droit au vélo n’est toujours pas acquis. Leur courage et leurs actions leur a valu une candidature au prix Nobel de la paix en 2016.10


 

  1. Impact Lab, The Campaign against women.
  2. Une discussion plus détaillée sur l’emploi des termes « Nord » et « Sud » se retrouve au module La solidarité internationale de cette trousse.
  3. Paul Starkey, Les solutions au transport local : acteurs, paradoxes et progrès, Document de travail SSATP No. 56F, Banque mondiale, Programme de politiques de transport en Afrique subsaharienne, p.4.
  4. http://www.ipsinternational.org/fr/_note.asp?idnews=3906
  5. http://www.ipsinternational.org/fr/_note.asp?idnews=3906
  6. Claire Morissette, Deux roues, un avenir : Le vélo en ville, Collection Retrouvailles, Écosociété, 2010, p. 161.
  7. Santropol Roulant, Soirée femmes et transgenres.
  8. Les cyclopetards
  9. Les dérailleuses
  10. Rfi, les petites reines de Kaboul.